Qu’est-ce que la diversité au travail ?
La diversité au travail désigne la coexistence, au sein d’une même organisation, de profils variés sur le plan de l’âge, du genre, de l’origine ethnique, de la culture, de la langue, des croyances, de l’orientation sexuelle, de la condition physique ou mentale, ou encore du parcours professionnel. Elle s’incarne à la fois dans les caractéristiques visibles et invisibles des individus, ainsi que dans la variété des expériences et perspectives qu’ils apportent à leur environnement de travail.
La diversité ne se limite pas à la question de la représentation dans les équipes ; elle touche la manière dont les différences sont reconnues, valorisées et intégrées au fonctionnement quotidien des entreprises.
La diversité couvre également des réalités culturelles parfois complexes, notamment dans les contextes internationaux ou multiculturels. En effet, les comportements, les normes sociales, les modes de communication ou les attentes vis-à-vis de l’autorité peuvent fortement diverger d’une personne à l’autre.
La diversité comme source de conflits
La discrimination fondée sur des caractéristiques liées à la diversité est étroitement liée aux conflits au travail. 31 % des employés interrogés ont vécu des conflits qu'ils attribuent à des différences raciales ou culturelles. Dans la même enquête, 28 % des employés ont été témoins de conflits liés au genre au travail.
Étude de Gitnux
Les conflits font naturellement partie de notre vie, y compris au travail, et la diversité en est l’une des principales sources. Les différences culturelles, de valeurs ou de points de vue ne sont pas perçues de la même manière par tout le monde et entraînent parfois des malentendus et des tensions au sein des équipes.
Ces conflits ne découlent pas toujours de mauvaises intentions, mais souvent de référentiels implicites non partagés. Les individus interprètent le monde à travers leurs propres normes et opinions, ce qui peut créer des frictions. C’est cette zone grise, entre ce que l’on croit évident et ce que l’autre perçoit, qui crée un terrain propice à l’incompréhension.
Un autre déclencheur de conflit est la perception d’injustice. Lorsqu’une politique de diversité est vécue comme favorisant un groupe au détriment d’un autre ou comme démarche purement symbolique, elle peut générer des résistances, voire renforcer un sentiment d’exclusion. La solution réside alors dans une approche lucide, structurée et inclusive.
Exemples de conflits liés à la diversité
De nombreux cas de conflits liés à la diversité sur le lieu de travail reflètent des exemples de discrimination observés dans la société en général. Voici les quatre principaux types de conflits.
Les conflits liés aux différences générationnelles
Les écarts entre générations – Baby boomers, X, Y, Z – peuvent être plus ou moins importants au sein d'une équipe. Ils se traduisent souvent par des styles de communication, des valeurs et des attitudes différents, façonnés par leurs expériences distinctes, leur savoir-faire, leur éducation et leurs époques.
Par exemple, un collaborateur plus âgé peut juger qu’un jeune collègue manque de rigueur ou de respect pour les pratiques de travail traditionnelles, tandis que ce dernier peut trouver son aîné rigide ou résistant au changement. Ce manque de compréhension nourrit les stéréotypes et nuit à la collaboration.
Les conflits de diversité culturelle et ethnique
Les barrières linguistiques, les normes sociales distinctes et les malentendus entre origines variées sont fréquents dans les équipes multiculturelles. Ils ont tendance à provoquer des interprétations erronées, des mises à l’écart ou des tensions liées à un manque de représentation.
Par exemple, lorsque les règles, les méthodes de travail et la prise de décision dépendent des habitudes ou des codes tacites propres à la majorité, les personnes issues de groupes minoritaires peuvent se sentir mises à l’écart ou peu considérées.
Les conflits religieux
Les conflits religieux en milieu professionnel surviennent lorsque les convictions, rituels ou symboles religieux d’un ou plusieurs collaborateurs entrent en contradiction avec les règles de l’entreprise, les attentes managériales ou les sensibilités d’autres collègues.
Ces frictions peuvent prendre différentes formes : refus d’accomplir certaines tâches contraires à ses croyances, désaccords autour des pauses dédiées à la prière, réactions face au port de signes religieux visibles, ou encore conflits lors de la planification de congés pendant des fêtes religieuses.
Si ces situations ne sont pas anticipées ou traitées avec tact, elles risquent d’engendrer ressentiment, repli ou sentiment d’exclusion. Le défi réside donc dans l’équilibre entre liberté religieuse et bon fonctionnement des équipes.
Les conflits associés à l’intolérance envers la communauté LGBTQIA+
En France, 39 % des personnes LGBTQIA+ affirment avoir subi une discrimination au travail en 2024.
Étude de Randstad
Les conflits liés à l’intolérance envers la communauté LGBTQIA+ sur le lieu de travail peuvent se manifester par des micro‑agressions, une invisibilisation identitaire, de l’exclusion ou un accès limité aux opportunités d’avancement. Ils peuvent aussi provenir de mésententes autour des politiques d’inclusion LGBTQIA+ et de l’utilisation d’un langage inclusif au sein de l’entreprise.
Ces situations ruinent le sentiment d’appartenance, enferment dans la discrétion, voire l’autocensure, et augmentent le taux de rotation du personnel.
Les conséquences des conflits sur les équipes et les entreprises
En entreprise, les conflits de diversité ont une myriade de conséquences négatives, affectant à la fois les individus et l'environnement de travail dans son ensemble :
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Baisse de la productivité : Les conflits creusent un fossé entre les collaborateurs et peuvent mener à de véritables affrontements. Dans ce contexte, les employés concernés sont moins concentrés et finissent souvent par consacrer plus de temps et d'énergie au conflit plutôt qu'à leurs tâches. Cela se traduit par une baisse de la productivité, des délais non respectés et une production de moindre qualité.
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Augmentation du stress et de l'anxiété : Les mésententes et problèmes nuisent à la création d’un climat de bien-être au travail. Ils créent un cadre hostile, stressant et anxiogène pour toutes les parties concernées, qui finissent par perdre confiance et se tenir sur leurs gardes, craignant les confrontations ou les interactions négatives.
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Des relations d'équipe endommagées : Si les membres d’une équipe ne s’entendent pas et sont en constante opposition, c’est toute la dynamique au sein du groupe qui s’en trouve affectée. Le manque de compréhension et la tension érodent la communication, la confiance et l’esprit d’équipe.
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Rotation élevée du personnel : Les employés victimes de problèmes liés à la diversité peuvent se sentir frustrés, inappréciés, non soutenus, voire rejetés, ce qui peut les inciter à chercher un emploi ailleurs.
Encourager une communication non-violente et ouverte, mettre en œuvre des méthodes de résolution des conflits et favoriser un environnement positif sont des stratégies qui contribuent à prévenir l'escalade des conflits, et ainsi à cultiver un lieu de travail harmonieux et productif dans la diversité.
8 stratégies pour prévenir les conflits liés à la diversité
Le contexte dans lequel nous évoluons en matière de diversité et d'identité change rapidement. Pour plusieurs leaders, la capacité de s'adapter à ce rythme accéléré pour éviter les conflits est un défi qui requiert leur attention de façon significative.
Maxime Gaudreau, Coach sénior, Proaction International
La gestion des conflits peut constituer un défi de taille pour les entreprises. S’il est difficile d’éliminer les incompréhensions, les désaccords et les confrontations au sein des équipes, des stratégies peuvent cependant être mises en place pour les prévenir et les gérer de manière constructive et équitable.
1. Établir une charte de la diversité et de l'inclusion
Pour prévenir les conflits, il faut un cadre clair. Une charte de la diversité et de l’inclusion sert à définir les valeurs de l’entreprise, les comportements attendus et les principes qui régissent les interactions. C’est un outil de référence pour tous, participant à l’instauration d’un environnement de travail respectueux et équitable.
Conseil de pro : Votre charte de la diversité et de l’inclusion sera encore plus efficace si elle inclut des exemples concrets de situations et de bonnes pratiques, et si elle fait l’objet d’une révision régulière par un comité représentatif, composé de l’équipe RH, d’employés et de managers.
2. Éduquer les collaborateurs par le biais de la formation
La formation est un levier central pour prévenir les conflits liés à la diversité. Elle permet à l’ensemble des collaborateurs d’identifier leurs biais inconscients, d’adopter une posture inclusive et de développer des compétences relationnelles pour mieux interagir avec des collègues aux profils variés.
Ces formations doivent aller au-delà des approches théoriques et intégrer des volets pratiques comme des jeux de rôle, des mises en situation, le dialogue interculturel, la gestion des conflits – autant de méthodes pour ancrer les apprentissages et développer les bons réflexes au quotidien.
3. Développer une culture inclusive
Faites de l’inclusion une évidence, une partie intégrante de la culture de votre entreprise, en encourageant la collaboration et le dialogue ouvert, en sollicitant les expériences diverses, et en favorisant la reconnaissance et le sentiment d’appartenance.
Une culture inclusive passe par l’exemplarité du leadership, la valorisation de la diversité dans les communications, la participation active des équipes et l’adaptation des processus aux besoins de chacun. Cette culture peut être nourrie par des initiatives simples mais efficaces, comme la célébration de la pluralité des parcours, ou encore la création de groupes de soutien en interne (mentorat croisé, communautés d’alliés, etc.).
4. Enrayer les préjugés et les micro-agressions
Bien que discrètes, les micro-agressions ont un impact profond sur les personnes concernées et détériorent le climat de travail. Faites en sorte que les employés à tous les niveaux sachent les reconnaître et les prévenir, et soient capables d’intervenir rapidement lorsqu’elles surviennent.
Conseil de pro : Une politique claire de signalement, combinée à des canaux confidentiels et accessibles, renforce la capacité de votre organisation à agir rapidement et efficacement pour éliminer les micro-agressions.
5. Co-construire des repères communs
Plutôt que d’imposer des normes comportementales descendantes, impliquez vos équipes dans la définition de règles de collaboration. Cela permettra d’identifier collectivement ce qui favorise un climat respectueux, tout en tenant compte des différentes sensibilités culturelles, générationnelles ou personnelles.
Cette approche responsabilise chaque membre et favorise l’adhésion.
6. Créer des espaces de parole sûrs
Les conflits naissent souvent du non-dit. Instaurer des espaces de parole sécurisés – comme des cercles d’expression ou des groupes de discussion confidentiels – est un excellent moyen de libérer les ressentis avant qu’ils ne dégénèrent et de comprendre les perspectives des parties impliquées.
Conseil de pro : Ces espaces doivent être animés par des membres de l’équipe formés à l’écoute active et à la médiation, pour une gestion des conflits bienveillante et impartiale.
Une bonne pratique est d’aborder le prochain conflit AVANT qu’il ne se produise. Entre deux conflits, les deux parties vivent moins d’émotions, de tensions, de jugements. Il est alors plus facile de parler de comment on se sent lors des conflits, de partager des solutions et même de trouver un terrain d’entente pour arrêter ces conflits. Cette pratique permet en quelque sorte de désamorcer le prochain conflit.
Michel Coupal, Directeur, Recherche et développement, Proaction International
7. Mettre en place une médiation préventive
La médiation n’est pas seulement un outil de gestion de crise. Lorsqu’elle est utilisée en amont, elle peut être très utile pour prévenir l’escalade des conflits. Former certains collaborateurs comme médiateurs internes neutres et accessibles permet d’enrayer rapidement les malentendus liés à la diversité.
8. Rendre visibles les engagements par des indicateurs
La transparence est fondamentale. Rendre publics certains indicateurs sur la diversité (représentation, satisfaction, perception d’inclusion, conflits signalés, etc.) envoie un message net : la diversité n’est pas un concept abstrait, mais un levier de performance mesuré, suivi, piloté.
Cette visibilité contribue également à renforcer la confiance et l’engagement des équipes.
Le rôle du manager dans la prévention et la gestion des conflits de diversité
Aujourd’hui, la lutte contre la discrimination ne relève plus seulement du cadre juridique, mais fait appel à la conscience sociale et morale. On intègre de plus en plus cette notion au management. Ceci oblige les leaders à bien comprendre l’étendue de la diversité et à tenir compte de cette réalité dans leur approche de gestion.
Angélique Emeric, Conseillère séniore, Proaction International
En tant que manager, vous occupez une position stratégique pour prévenir, identifier et gérer les conflits liés à la diversité au sein de votre équipe. Votre fonction consiste certes à intervenir lorsque la situation dégénère, mais avant tout à créer un environnement où les confrontations n’ont pas leur place.
Pour ce faire, vous devez adopter une posture de leader et de médiateur inclusif, c’est-à-dire être à l’écoute de vos collaborateurs, détecter les signes avant-coureurs de conflits (changements d’attitude, silences inhabituels, regards haineux, etc.) et agir avec rapidité et discernement.
Comme toujours, l’exemplarité est indispensable. Si vos comportements sont inclusifs, alors ceux des membres de votre équipe auront plus de chances de l’être aussi. Montrez-leur que chacun a sa place et que le respect mutuel est non négociable.
Afin de favoriser des échanges constructifs et une saine collaboration, la création d'un climat de sécurité psychologique est un élément de base à prioriser. Pour cultiver cet espace, les leaders jouent un rôle clé, en se comportant comme des modèles de respect et de soutien.
Maxime Gaudreau, Coach sénior, Proaction International
Prenez également soin de structurer vos interventions. Si une dispute est sur le point d’éclater, conduisez d’abord des entretiens individuels pour comprendre les perceptions de chaque partie, puis réunissez-les dans un cadre sécurisé, en privilégiant l’écoute active. Si nécessaire, faites appel à une personne-ressource neutre (RH, médiateur interne ou externe).
Enfin, équipez-vous pour jouer pleinement votre rôle : appuyez-vous sur du coaching et des formations spécifiques à la gestion des conflits, utilisez des sondages anonymes pour évaluer le climat dans votre équipe et assurez un suivi post-conflit pour maintenir la cohésion.
Construire un environnement où la diversité devient une force collective
La diversité en entreprise peut être un formidable atout … ou une source de conflits, selon la manière dont elle est abordée. Ce n’est ni la diversité elle-même qui crée le conflit, ni sa simple reconnaissance qui suffit à garantir l’harmonie. Ce sont les pratiques concrètes, les postures managériales, ainsi que les approches d’écoute et de dialogue qui transforment les différences en sources de performance et d’intelligence collective.
Prévenir les conflits de diversité demande un travail lucide, constant et collectif : reconnaître les biais, nommer les malentendus, définir les interventions, appliquer les principes d’inclusion dans les interactions de tous les jours. Cela implique de former, de sensibiliser, d’adapter pour obtenir un environnement réellement diversifié, inclusif et équitable.
Les leaders jouent ici un rôle central. Leur capacité à appliquer ces principes, à neutraliser les tensions en amont et à favoriser un climat de confiance est décisive pour enraciner l’inclusion dans la culture de l’organisation.
Mieux prévenir les conflits liés à la diversité, c’est créer les conditions d’un engagement fort, d’une collaboration fluide et d’une performance durable.
Servez-vous de la différence et de la diversité comme un atout ! Il s’agit d’inverser la situation et de ne pas voir la diversité comme une source de conflits, mais plutôt comme une source de richesse, en exploitant les forces et les différences de chacun.
Angélique Emeric, Conseillère séniore, Proaction International